Dans un long entretien au Parisien, Mgr Aupetit, archevêque de Paris répond :
Comment avez-vous accueilli l’avis du conseil consultatif national d’éthique (CCNE) qui s’est dit, mardi, favorable à l’extension de la PMA aux femmes seules et aux couples de femmes ?
Je l’ai accueilli sans surprise. Il y a longtemps que je pense que le CCNE n’est plus ce qu’il était. J’ai connu celui du Pr Bernard. A l’époque, il avait été voulu comme un comité de Sages qui puisse s’exprimer de manière indépendante. J’avoue très honnêtement que je ne sens plus cela aujourd’hui. Le résultat était quand même assez attendu, ce qui est d’ailleurs un peu inquiétant. On se demande pourquoi on a fait des Etats Généraux puisqu’ils n’ont aucun impact sur la décision finale.
Vous pensez que la communauté catholique n’a pas été entendue lors de ces débats ?
Le problème n’est pas là. Ce n’est pas l’Eglise catholique qui est en jeu. L’Eglise catholique est un éveilleur de consciences. La vraie question est : qu’est-ce que la dignité de l’homme ? Cela va bien au-delà de la conception catholique de l’humanité. Nous pensons qu’une société doit se construire sur la fraternité, sur la recherche du bien commun. Or, on ne trouve aucun argument à ce niveau-là. On n’a que des impressions, des « oui, on pourrait », « non, on ne pourrait pas » mais pas de véritable argumentaire.
Quels sont, selon vous, les principaux sujets qui touchent le plus à cette dignité de l’homme ?
Il y en a au moins deux. D’abord cette question de la PMA. Est-il pensable que l’on puisse considérer qu’un enfant n’a pas besoin de père ? Parce que c’est bien de cela qu’il s’agit. Il peut y avoir, bien évidemment, des enfants élevés sans leur père pour des raisons accidentelles ou parce qu’ils sont abandonnés mais là on décrète légalement qu’un enfant n’en a pas besoin.
Et le second ?
La question de l’embryon. La recherche s’ouvre de plus en plus. Aujourd’hui, dans la législation, vous n’avez rien. Il n’y a pas de statut juridique de l’embryon humain. Ce vide autorise des expériences et fait de lui un cobaye. Puisqu’on utilise de moins en moins les animaux, on va utiliser les embryons humains. Alors, est-ce que la larve de scarabée doré sera plus protégée que l’embryon humain ? Cela pose quand même une question qui va bien au-delà de la religion.
Le médecin que vous êtes aussi devrait être un passionné de recherches. Or, là elle vous fait peur…
Je suis tout à fait pour la recherche mais il y a des recherches légitimes, d’autres non. Vous savez, les médecins nazis pensaient aussi qu’ils faisaient de la recherche. C’est ainsi qu’ils ont présenté leur défense ! La recherche ne justifie pas tout. Elle a un but et si le but est souvent bon, le moyen employé ne l’est pas toujours. Le diagnostic prénatal, par exemple, est une bonne chose mais lorsqu’on l’utilise pour éliminer l’enfant parce qu’il est porteur d’une tare quelconque, là c’est une question éthique.
Est-ce que vous appelez les catholiques à se mobiliser contre l’extension de la PMA ?
J’appelle les catholiques à se mobiliser par une parole, déjà.
Cela n’a pas porté ses fruits…
Une parole, si elle est juste, traverse l’Histoire et finit par triompher. C’est toujours comme cela. Elle fera son chemin de conscience en conscience.
Pas d’appel à manifester ?
La question d’une manifestation dans la rue appartient aux citoyens, pas du tout aux évêques. Ce n’est pas à nous d’en organiser et nous ne le ferons pas.
Et y participer ?
Si j’y participe, ce sera en tant que citoyen, je n’irai jamais en tant qu’évêque. Ce n’est pas ma place. Mais comme citoyen, je suis libre. Il faut bien faire la distinction entre l’expression d’un évêque et celle d’un citoyen.
Croyez-vous en une Manif pour Tous bis ?
Je ne suis pas sûr que les gens se mobilisent comme ils l’ont fait au moment du Mariage pour Tous. A l’époque, d’ailleurs, ils s’étaient surtout mobilisés contre la PMA. Ils savaient que le mariage allait déboucher sur ces problématiques de procréation, et donc de filiation. Et c’est bien ce qui risque d’arriver. Alors vont-ils se remobiliser alors que précédemment cela n’a servi à rien sur le plan légal ? Je ne sais pas. Je pense quand même que ces manifestations, avec des centaines de milliers de personnes, et pas seulement des catholiques, ont servi au réveil des consciences. Elles ont montré qu’il n’y avait pas de consensus.
Êtes-vous rassuré par le gouvernement qui explique que l’extension de la PMA n’entraînera pas la levée de l’interdiction de la gestation pour autrui (GPA) ?
Je n’y crois pas une seconde. D’abord parce que lorsqu’il y a eu le Mariage pour Tous, on nous avait déjà affirmé qu’il n’y aurait pas de PMA. Au nom de quoi refuserait-on aujourd’hui la GPA ?
L’animateur Marc-Olivier Fogiel sort la semaine prochaine un livre où il raconte son bonheur d’être père de deux filles grâce à la GPA. Vous ne croyez pas à ce bonheur et au fait que ces enfants puissent être heureuses ?
Elles sont encore jeunes mais à l’adolescence… Ce moment où l’on cherche à savoir d’où l’on vient. Le risque d’un déséquilibre est alors important. Je ne souhaite bien sûr aucun mal à cette famille, mais je dis simplement : est-ce qu’on prend la mesure de ce que les enfants qui sont dans cette situation vont avoir à vivre ? Comment vont-ils accepter d’avoir fait l’objet d’une certaine marchandisation ? Est-ce que le fait de savoir qu’ils sont nés dans ces conditions va leur permettre d’être apaisés ?
Sur la fin de vie, l’avis du CCNE préconise de ne pas toucher à la loi actuelle mais évoque tout de même des cas exceptionnels nécessitant un travail de réflexion qui pourrait faire évoluer la loi à la marge. Selon vous, c’est un pas vers l’aide active à mourir ?
Oui, il y a effectivement des risques réels que ce soit une « ouverture » ou alors c’est une caution pour ceux qui militent en sa faveur au sein de La République en Marche, comme M. Touraine par exemple. Cela ne me paraît pas très sérieux. […]