On a parlé d’abord d’une fronde, d’une grogne, puis d’une « jacquerie », d’une rébellion, d’un état insurrectionnel : Marine Le Pen la première a osé ne pas donner dans l’euphémisme bon teint de la presse médusée et parler d’une insurrection populaire. On a osé le mot de révolution, doucement. On a fait semblant d’être étonné, ou plus rarement de ne pas l’être. La presse a fait son travail de fripouilles ou de laquais de l’establishment. Et puis, elle a recommencé son inlassable bavardage, son exégèse interminable de discours vains, ses gloses tout aussi vaines et son ressassement pompeux. A présent, elle bavarde autour du terrorisme : dame, il y a des morts et des blessés.
Toujours euphémiques, raison prudentielle oblige, nos Evêques ont parlé de « troubles », insistant bien plus lourdement sur les violences urbaines que sur la violence politique faites à ces populations en révolte ; ils ont invité les catholiques à ne pas jeter d’huile sur le feu (pourquoi, elle bout déjà largement l’huile non ?).
L’Evêque du Havre, qui s’est exprimé, a demandé benoîtement à ces hommes, ces femmes rassasiés d’iniquité de resituer leurs attentes dans une perspective globale. Pour lui, il y a urgence pour le maintien des engagements de la COP 21. Cet Evêque de la Réconciliation générale et du Débat généralisé a enjoint les catholiques à ne pas « bouder » la proposition du gouvernement d’initier des débats décentralisés dans les divers territoires, avec les Elus, les organisations syndicales, les associations, ainsi que les citoyens qui voudront y prendre part. Et devinez avec quoi on va y aller à cette grande fête du débat national : avec l’enseignement du pape François dans l’encyclique machin. Car le pape selon lui, fournirait les moyens de dépasser l’opposition contre-productive entre l’action pour la transition écologique, nécessaire pour sauver la planète, et l’action pour garantir le pouvoir d’achat, aussi nécessaire pour assurer plus de solidarité et davantage d’équité dans les moyens de vivre.
Mieux encore, le conseil permanent de la Conférence des Evêques, emboîtant le pas à Mgr Brunin, a lancé une invitation. La démocratie manquerait de lieux d’échange et de réflexion qui pourraient permettre l’émergence à une large échelle de suggestions positives élaborées ensemble. Ah bon ? L’affaiblissement de nombreux partis politiques et un recul significatif de l’engagement syndical contribuent à ce déficit. Où nos concitoyens trouveront-ils des lieux appropriés pour ce travail si urgent ? C’est sûr que c’est l’urgence. Mais oui, où ? Mais dans nos paroisses bien sûr. Quelle offre généreuse…
Tous ceux qui ont vu, écouté les gilets jaunes l’ont compris, – même Emmanuel Macron – que ce qu’ils veulent, ce sont des actes, des décisions en leur faveur. Eh bien, nos Evêques de France, toujours d’une rare perspicacité, eux, ils pensent qu’il faut mettre les paroisses à disposition pour qu’il y ait des lieux de débat. Ils veulent faire grandir la fraternité. Ils ont même proposé des pistes de réflexion d’une ingénuité rare et d’une confondante naïveté sous la forme de cinq questions dont je restitue la plus merveilleuse : Quelles sont selon vous, en essayant de les hiérarchiser, les causes principales du malaise actuel et des formes violentes qu’il a prises ?
On en a été bassiné depuis des semaines des causes du malaise social, on a eu des soirées entières sur le phénomène des gilets jaunes, sur toutes les chaînes ou presque, et à part les prélats, nul ne les ignore plus : l’islam arrogant, meurtrier et coûteux, l’immigration désordonnée, l’option mondialiste et la dématérialisation systématique. Sans parler de la somme d’iniquités générées par ces choix monstrueux, dévastateurs et d’une méchanceté inouïe.
Il n’est nul besoin d’être grand prophète pour voir que notre pays s’effondre et que cet effondrement n’a rien d’économique. Ce à quoi on assiste, c’est à l’effondrement d’une culture, d’une religion, d’une civilisation, ce qui implique une certaine manière d’être au monde, de croire, d’entendre sonner les cloches, de chanter des chansons paillardes, de réparer les églises, de se chamailler, de se retrouver le dimanche, au bistrot ou sur le parvis de l’église, de prier et d’espérer, de construire des solidarités fragiles, toujours précaires, d’aimer aussi, d’aimer le prochain, pas toujours très bien : le voisin de pallier, le cousin de province, le collègue de travail, le copain avec qui on fait du foot, celui qui a aidé à poser des étagères et dont on a été témoin pour son mariage. Tout cela construisait des solidarités partagées et les construit toujours, car tout cela est la vie vécue de la plupart des gilets jaunes. Dans leurs terroirs respectifs, là où les agriculteurs survivent ou se pendent dans leur grange, pendant qu’on nous bassine avec le bien être animal, là où des hommes et des femmes doivent prendre leur voiture pour déposer leurs enfants à l’école, faire des courses, et aller travailler.
Ce monde ancien a disparu de nos villes, en particulier de Paris, asile de bobos de gauches qui croient ou font semblant de croire que le mondialisme c’est l’avenir et que les migrants vont s’intégrer par l’opération du Saint Esprit.
Le monde qui vient ne saurait en aucune manière le remplacer ce monde ancien qui était encore un peu chrétien, un peu inspiré, solidement incarné, où l’on se combattait loyalement, où l’on aimait ce qui dure, où l’on hésitait à changer trop vite, parce que ce monde de la permanence, on l’aimait. Cette France ancienne devait se réformer, se convertir, mais cette véritable liquidation sur double fond d’immigration folle et de mondialisme enragé de technologie inutile ne fait qu’ouvrir sur un vide sidéral. C’est un monde vide de sens que l’on propose aux jeunes, un monde vide d’histoire, vide de Dieu, qui n’ouvre aucun horizon, ni temporel ni spirituel. Le mondialisme est la vaine chimère fabriquée par des élites assoiffées d’argent et de pouvoir auxquelles se sont aliénées les parvenus des technologies de pointes, avec la complicité active de nos Eglises, devenues stupides à force d’inintelligence, de rejet de leur patrimoine culturel, de mépris de leur tradition. Car c’est là le mystère des mystères, que nos Eglises se soient aliénées à pareilles stupidités. Jusqu’à inventer une nouvelle idole : l’écologie planétaire.
La violence politique n’est pas nouvelle, c’est Machiavel qui l’inaugure comme une sorte de fait contre lequel il serait stupide de lutter, mais elle a atteint un sommet d’hypocrisie et de mensonge. On a cassé les vitrines de Champs-Elysées ? Le lendemain, elles ouvraient de nouveau. Dans le monde des gilets jaunes, quand les maisons sont inondées, quand ils sont cambriolés, il faut lutter des semaines pour que les assurances remboursent.
La plupart de ces gilets jaunes sont indifférents à ce qui mobilise la classe politique française et ces fameux corps intermédiaires qui ne représentent plus personne et que l’Evêque du Havre veut ressusciter, le pauvre homme; ces hommes et ces femmes choisissent un conjoint ou une conjointe, parce que c’est dans la ligne des choses, parce que c’est anthropologique d’abord ; ils n’aiment pas l’islam mais ils ont toujours un copain Momo ; ils n’aiment pas l’homosexualité mais ils en admettent l’existence, sans trop y réfléchir parce qu’ils n’en ont guère le loisir; en matière d’éducation, ils commencent à réaliser que l’école est en train de dépraver leurs enfants sans leur permettre de monter dans l’échelle sociale ; pour beaucoup d’entre eux, leurs enfants ont fait l’objet de persécutions ou de harcèlement, et la réponse de l’école consiste non pas à les protéger mais à leur apprendre à se protéger, dès 8 ans. La plupart de ces gilets jaunes ont une famille, rarement recomposée, parce que pour cela, il faut de l’argent, et eux de l’argent, ils n’en ont pas. Ils restent en dehors de ces grands débats qui constituent les pierres d’angle de ces Lobbies pathétiques qui ont imposé le pire dans nos écoles avec la complicité passive de nos Eglises. Les gilets jaunes vivent dans un monde incarné, et ils entendent bien continuer. Ils ont raison, car l’incarnation est la réalité humaine essentielle, fondamentale, première. Nous autres chrétiens, nous en avons même fait un dogme. Un Dieu fait homme, un Dieu qui a pris chair. C’est cette dimension incarnée que le mondialisme veut détruire, et que l’immigration nous rappelle avec violence, car ces hommes qui arrivent, il faut les nourrir, les loger, les soigner. Dans la durée.
Les violences faites à ces hommes et à ces femmes ne sont pas seulement économiques. La plus grave de ces violences, c’est le mensonge. Mensonge institutionnalisé, dans nos écoles, dans nos débats, dans notre nouvelle anthropologie, et jusque dans nos Eglises. Le dernier appel de la Conférence des Evêques en donne encore un signe éclatant. Qu’espère t-on ? Redorer nos paroisses vides ?
Il n’est nul besoin d’avoir lu le Gorgias pour savoir qu’il y a des conditions au dialogue et que ces conditions n’y sont plus depuis longtemps. Et que la première de ces conditions, c’est la vérité. Dieu dit vrai, vrai est sa parole, vrai sa promesse, souveraine sa sagesse. Et sa promesse est promesse de salut.
La langue de nos Evêques est à pleurer:
« Prendre part activement à la construction d’une vision partagée du bien commun et à la prise de conscience d’une communauté de destin sans lesquelles il ne peut y avoir de société juste, pacifiée et fraternelle »…
Croit-on que nous avons besoin de débat dans les paroisses pour prendre conscience d’une communauté de destin ? Au niveau mondial et avec nos délicieux migrants musulmans qui veulent très clairement une société juste et pacifiée ?
Les gilets jaunes ont manifesté avec éclat qu’ils ont une vision partagée sinon du bien commun du moins de l’injustice qui leur est faite et qui est faite à leurs enfants.
Ces propos ne font que témoigner d’une imposture de plus et signer la lâcheté, l’incurie, l’incompétence en matière politique de nos Evêques, et pire, leur apostasie molle mais vraie, comme leur mépris foncier de tous ceux qui ont exprimé, bien maladroitement le plus souvent, bien plus qu’un malaise social.
Avez-vous vu dans les pôles emplois ce qui est proposé aux jeunes, les enfants de ces hommes aux gilets jaunes, pas aux enfants des officiers de marines, des médecins, des cadres, ou des enseignants. Non, aux enfants de ces hommes en gilets fluo. Et vous osez parler d’une communauté de destin, d’une société juste, pacifiée et fraternelle ?
La Providence ne se moque pas des pauvres Messieurs les Evêques de France. La Providence ne se moque pas des Pauvres.