C’est ce qui agite le landernau universitaire, sous couvert de laïcité. Posons la question autrement : un rabbin peut-il être président d’une université française ? Et un imam ? Et un athée ? En Alsace, le père Michel Deneken, professeur de théologie et prêtre catholique, devrait être élu, mardi 13 décembre, à la tête de l’université de Strasbourg. Dans la communauté universitaire, cette situation fait débat. Le Syndicat national de l’enseignement supérieur (Snesup- FSU) s’agite :
« La candidature d’un prêtre et théologien à la présidence de l’université de Strasbourg suscite nos plus vives réserves ».
Il dénonce une « entorse supplémentaire au principe républicain de la neutralité des services publics ».
Légalement, rien n’empêche cette élection. Surtout en Alsace où l’université publique a conservé en son sein les facultés de théologie, protestante et catholique, en 1919, lors de son retour dans le giron français. Le professeur de théologie Michel Deneken a donc, comme ses homologues des autres disciplines, la possibilité de prétendre aux divers postes de gouvernance, dont celui de président.
Quant aux principes de laïcité et de neutralité des agents des services publics, ils n’interdisent pas de confier des fonctions à des membres du clergé, d’après un avis du Conseil d’Etat de 1972, relève Nicolas Cadène, rapporteur général de l’Observatoire de la laïcité. Ce que confirme une étude du Conseil d’Etat de 2013, qui précise que l’accès d’un agent au statut d’ecclésiastique ne permet pas son exclusion pour ce seul motif.
Fin du débat ? Pas pour les laïcistes fondamentalistes. Pascal Maillard, secrétaire académique du Snesup à Strasbourg, tente d’expliquer :
« Si rien juridiquement ne l’empêche, cela n’est pas souhaitable dans le contexte actuel de débat vif et de fortes tensions sur la laïcité ».
Hélène Michel, professeur de science politique et rivale de Michel Deneken dans cette élection, ajoute :
« Nous n’avons pas abordé cette question en tant que telle dans la campagne qui portait sur la politique pour l’université. Mais nous avons été interpellés lors des nombreuses réunions publiques. Cela pose en effet question : même si Michel Deneken n’est pas chargé d’une paroisse, on est prêtre à vie, et soumis à l’autorité ecclésiastique. D’où nos craintes pour la réputation de l’université mais aussi concernant le contenu des recherches. »
Et qu’en dit l’abbé ?
« Je suis vice-président depuis huit ans, président par intérim depuis septembre, cela n’a jamais posé de problème. Les engagements et les convictions existent chez chacun mais l’université est le lieu où ces appartenances n’interviennent pas dans le travail d’enseignement et de recherche, dans le respect de la loi républicaine et des règles de déontologie et d’éthique. »
Le doyen de la faculté des arts, Pierre Litzler, concède que « cela peut paraître bizarre de l’extérieur ».
« Mais pour être un bon universitaire, il faut laisser chez soi ses habits idéologiques, et c’est ce que Michel Deneken a toujours fait ».
Voilà qui nous inquiète plus, de notre côté… Pour être un bon universitaire, il faut cacher ses convictions, sa foi ?…