Peut-on parler de droit à l’IVG ? Ultime question en cette « Journée mondiale pour le droit à l’avortement ». Pour y répondre, Gènéthique a interrogé Grégor Puppinck qui publie « Droit et prévention de l’avortement en Europe »[1] chez LEH Edition[2].
Gènéthique : Le Gouvernement français s’est engagé dans la promotion d’un « droit universel à l’avortement » et dans la répression de la liberté d’opinion des opposants à l’avortement. Qu’en pensez-vous ; existe-il un droit à l’avortement ?
Grégor Puppinck : L’actuel gouvernement français s’est effectivement engagé dans un militantisme en faveur de l’avortement. Son action est fortement idéologique et n’a pas permis de réduire le taux d’avortement qui demeure très élevé en France, en particulier chez les jeunes.
Le livre que nous publions se veut au contraire réaliste, pragmatique, et fonde ses développements juridiques sur une étude factuelle approfondie des causes et des conséquences de l’avortement réalisée à la lumière de nombreuses recherches scientifiques récentes. Ces causes et ces conséquences incitent à considérer l’avortement non pas comme une liberté abstraite, mais bien plus comme un problème social et de santé publique exigeant une politique de prévention. Une telle politique de prévention était d’ailleurs voulue par Simone Veil, laquelle, refusant tout droit à l’avortement, n’entendait en tolérer la pratique que comme un moindre mal, en ultime recours. C’est aussi et encore l’approche du droit international et du droit européen, l’un et l’autre offrant un support juridique solide à une politique de prévention et même à un « droit de ne pas avorter ».
Certes, en France, l’avortement est dépénalisé sous certaines conditions, mais du fait même de ces conditions, l’avortement demeure une dérogation au principe du droit à la vie. On ne peut pas avorter « librement », comme on exercerait une véritable liberté ou un véritable droit.
Au plan européen, on observe souvent une forte volonté politique de faciliter l’accès à l’avortement, notamment dans les pays où il est interdit, néanmoins, et c’est important, on demeure dans une logique de dérogation : l’avortement n’est pas un droit, ou un « bien », mais une tolérance, un moindre mal. C’est cette logique du moindre mal qui était déjà celle de Simone Veil.
La Cour de Strasbourg a clairement affirmé que la Convention européenne des droits de l’homme ne contient pas de « droit » à l’avortement. Elle a indiqué que les pays peuvent cependant permettre l’avortement pour des motifs proportionnés. En Europe, pas plus que dans le reste du monde, il n’y a d’obligation pour les Etats de légaliser l’avortement. De même, au sein des Nations Unies, toutes les tentatives pour affirmer l’existence d’un droit universel à l’avortement échouent depuis quarante ans.
Il y a une raison fondamentale à cela : l’IVG se distinguera toujours d’un droit. En effet, un droit vise à garantir la faculté pour une personne d’agir pour son bien en tant que personne humaine. Tout ce que nous reconnaissons comme des droits fondamentaux : penser, s’associer, prier, s’exprimer, sont des facultés par lesquelles chaque individu exprime son humanité. Des facultés que les animaux n’ont pas et qui définissent les droits « humains ». Les droits fondamentaux protègent l’exercice de ces facultés nobles, spécifiquement humaines, ils protègent ce qui en chaque individu réalise son humanité. Ce qui signifie qu’en exerçant ces droits fondamentaux, l’individu s’humanise.
Mais peut-on dire qu’une femme s’accomplit et s’humanise en avortant, comme elle le fait en se mariant ou en s’exprimant ? Entre un droit fondamental et l’IVG, la différence de nature est patente. De ce fait, l’IVG ne pourra jamais être un « droit fondamental ».
D’ailleurs, la résolution adoptée par les parlementaires français à l’occasion du 40e anniversaire de la loi Veil est révélatrice. Alors qu’elle présente dans le premier article l’avortement comme un droit universel, elle en recommande la prévention dans le second article. Mais si l’avortement était réellement un droit fondamental, il serait absurde et injuste d’en prévenir l’usage. C’est bien parce que c’est toléré comme un moindre mal qu’il devrait effectivement faire l’objet d’une politique de prévention.
G : Peut-on dire alors que l’avortement est une liberté ? Comment situer la liberté par rapport au droit ?
GP : Nous connaissons bien cet adage qui dit en substance que la liberté des uns est limitée par celle des autres. La liberté n’a pas de limite interne, elle n’est pas limitée par son objet mais uniquement par les circonstances extérieures. Par exemple : la pensée est sans limite ; ce qui la limite, ce sont les circonstances dans lesquelles elle est amenée à s’extérioriser, à s’exprimer. La liberté est une expression de la personne qui ne peut être limitée que de l’extérieur. S’agissant de l’avortement, sa pratique est à l’inverse limitée de l’intérieur : c’est son objet même, l’embryon ou le fœtus, qui constitue sa première limite. Dire que l’avortement est une liberté impliquerait d’annihiler la valeur de l’embryon ou le fœtus humains. Autrement dit, on ne peut affirmer un droit à l’IVG que si l’embryon ou le fœtus ne sont rien. D’où les débats qui portent sur le statut de l’embryon. Dès lors que l’on reconnaît à l’embryon a une valeur en soi, même minime, on ne peut plus alors parler de l’avortement comme d’une « liberté ».
Ainsi, l’avortement ne pourra jamais être un « droit fondamental », ni une « liberté ».
Au-delà, les souffrances qu’il cause chez la majorité des femmes qui ont le malheur d’y recourir suffisent à démontrer que c’est un mal, qu’il faut prévenir. Il ne sert à rien de le déguiser en un bien, comme un droit ou une liberté.
Source Genethique.org